Le “défi Titicaca” est une traversée en totale autonomie du lac navigable le plus haut du monde (3800 mètres) sur 150 kilomètres de la Bolivie au Pérou. Cet exploit de 110 kilomètres à la nage, a été réalisé par 3 sportifs hors normes. Le nageur paralympique Théo Curin, la vice-championne olympique de natation (2004) Malia Metella et l’éco-aventurier Matthieu Witvoet. Nous avons pu rencontrer Malia Metella qui est revenue sur cette belle aventure humaine et solidaire !
Ce fut l’occasion de narrer 15 mois de préparation avec beaucoup de surprises dont une météo très difficile lors de la traversée.
« Cette aventure n’a pas été rigolote mais incroyablement belle » Théo Curin
Théo Curin
- Comment s’est faite la rencontre avec Théo ?
Théo, je l’avais croisé 2 ou 3 fois sur des événements. Je l’ai revu en septembre 2020 à l’occasion d’un déjeuner où je rencontrais Mathieu et toute l’équipe pour la première fois. Ce repas avait pour objectif d’apprendre à nous connaître, c’est pour moi, le commencement de l’aventure.
- Comment accepte-t-on de se lancer dans un tel projet quand on a une carrière et une médaille olympique sur 50 mètres nage libre ?
Le changement entre médaillée olympique dans une course qui dure 24 secondes et sur une aventure de 11 jours et 110 kilomètres s’est décidé lorsque j’ai basculé mentalement. J’ai vécu 11 années sans faire de natation. Lorsque j’ai dit oui à Théo, je savais que ce ne serait pas une performance comme celles que j’avais connues durant ma carrière. Je savais que j’allais devoir nager, ce que je savais faire, encore… et nager longtemps mais j’avais besoin d’un socle sur lequel j’allais pouvoir m’appuyer. C’est pour cette raison que j’ai demandé à Stéphane Leca de m’accompagner, comme il l’avait fait durant mon aventure olympique. Lui, qui est également directeur technique de nage en eau libre, s’y connaît avec notamment de grosses aventures à son actif.
J’ai basculé de performance individuelle où il faut terminer la première, à ce côté d’aventure en équipe où il faut prendre son temps et laisser les imprévus se faire. Dès que j’ai dit oui, c’était dans ma tête avec un accompagnement en musique qui m’a beaucoup aidé durant mes sessions où il me fallait nager longtemps, ce qui n’était pas un souci. Grâce à ça, j’ai pu vivre l’aventure à fond du début à la fin.
- Peux-tu nous parler de la cohabitation, de la cohésion et du travail d’équipe car vous ne vous connaissiez pas au départ ?
Pendant 14 mois, nous avons appris à nous connaître avec des entraînements tous les 15 jours à Compiègne dans une base nautique de l’Oise. Il nous fallait apprendre à nager ensemble, connaître les habitudes de chacun et comprendre nos comportements. Durant la préparation, lors d’un week-end passé avec Alban Michon notre coach de survie (aventurier et explorateur français, passionné par les régions polaires et la plongée sous-marine), nous avions déjà décidé qui serait le capitaine. Lors d’expéditions en groupe, le capitaine prend les décisions et qu’elles soient bonnes ou mauvaises, tout le monde suit. C’est Mathieu qui avait été désigné et c’est lui qui a pris, après discussions entre nous 3, toutes les décisions dans les moments critiques. Nous n’avions pas réalisé sur le moment mais c’est quelque chose qu’il nous a raconté après, ce fut très dur pour lui de porter le poids du danger et de la responsabilité de nos vies.
- Qu’est-ce qui fut le plus dur, la préparation ou la traversée ?
Je dirais que physiquement c’est la préparation qui fut longue avec des moments forts car il fallait qu’elle soit plus dure que la traversée. Malgré tout, pendant la traversée, on a eu des moments où on pensait que l’on allait mourir. Moralement c’est la traversée car nous avons été confrontés à des situations que nous n’avions justement pas vécu lors de la préparation.
- Peux tu nous parler de la place de la femme dans ce défi ?
C’était important pour Théo d’avoir une femme dans l’équipe et j’ai pris conscience de cette importance lors la conférence de presse à La Paz. Une journaliste brésilienne qui venait de Copacabana, nous a fait un magnifique discours en me regardant droit dans les yeux. Elle me remerciait de ma présence qui démontrait que la femme avait un rôle à jouer aussi bien dans la vie que dans ce défi. Ce fut un moment très fort pour moi de me rendre compte en Bolivie ou au Pérou, que la place de la femme est importante. Faire cette traversée prouve qu’une femme est forte mentalement, physiquement et totalement capable de s’aventurer sur ce lac sacré.
Avec de magnifiques photos signées Andy Parant, vous retrouverez dans le livre « Défi Titicaca »* toutes les étapes du projets avec les enjeux physiques, humains et environnementaux.
*30 % des droits d’auteur sont reversés à l’association bolivienne Agua Sustentable