Que vaut réellement le niveau de la Ligue 1 ?

Souvent décriée, parfois surprenante, toujours questionnée, la Ligue 1 est depuis des années un championnat curieux que l’on a du mal à cerner. Entre ses joueurs prometteurs, ses entraîneurs récurrents et ses performances européennes pas toujours convaincantes, est-elle surestimée ou sous-estimée ?

Il est déjà difficile de mettre tout le monde d’accord sur le contenu même de la Ligue 1. De nombreux supporters déplorent le manque d’identité de jeu de leurs équipes, qualifiant souvent le niveau global tactique de « pauvre », « ennuyant » et/ou « centré sur la défense« . D’un autre côté, certains joueurs passés par notre championnat le décrivent comme « précis », « stricte », « physique » et se retrouvent d’accord sur l’aspect défensif des préoccupations de jeu. Lorsque l’on regarde les parcours des joueurs et des entraîneurs, il n’est pas rare de voir des joueurs bien s’exporter à l’étranger, et ce, dans n’importe quel championnat, même des joueurs considérés comme simplement « bons » ou « prometteurs ». Par exemple, Jordan Veretout, passé par Nantes et Saint-Etienne, ne faisait pas les gros titres en France et commence réellement à se faire un nom en Italie après son passage à la Fiorentina puis à la Roma. On pourrait citer des tas d’autres joueurs dans ce cas : Alassane Pléa (Borussia Mönchengladbach), Daniel Wass (Valence), Abdoulaye Doucouré (Watford)… D’autres sont devenus d’excellents joueurs et beaucoup d’autres sont devenus des stars : Sadio Mané, Fabinho (Liverpool), Bernardo Silva (Manchester City), Blaise Matuidi (Juventus Turin), Karim Benzema et Eden Hazard (Real Madrid)… 

Lorsque l’on demande à ces joueurs la différence entre la Ligue 1 et leur nouveau championnat, ils répondent quasiment unanimement que la préparation des matchs est plus intense, que le travail tactique est plus approfondi, qu’ils savent toujours ce qu’ils ont à faire et que l’exigence technique est plus élevée. Nous comprenons donc que la Ligue 1 est en dessous des quatre gros championnats européens (Premier League, Liga, Bundesliga, Série A) mais qu’il n’est pas impossible de passer de l’un à l’autre. Il y a un écart, mais pas un fossé.

Classement UEFA au 11.11.2019 Source : uefa.com

En se basant sur le classement par pays de l’UEFA, on se rend compte statistiquement du niveau de la Ligue 1 sur le plan européen. Ce classement prend, de manière logique, en compte les résultats en Coupe d’Europe des cinq dernières années. On voit qu’il y a un écart conséquent avec la Série A, juste au dessus, et le Portugal, juste en dessous. Un écart qui évolue au fil des années, la Ligue 1 étant déjà passée derrière la Russie et ayant déjà un écart moindre avec la quatrième place. Ce qui explique notre classement aujourd’hui est la régularité dans l’irrégularité de nos clubs en Coupe d’Europe. Mis à part le Paris Saint-Germain qui se hisse toujours depuis plusieurs années en huitièmes, voire en quarts de finale de Ligue des Champions, nos clubs ne font que parfois des grandes campagnes, et ce, depuis très longtemps. Il est logique de ne prendre en compte que les cinq dernières saisons pour évaluer le niveau actuel du championnat, mais lorsqu’on regarde globalement depuis plus longtemps, on observe que le niveau de la Ligue 1 stagne depuis plus de vingt ans, personne ne dénote jamais une réelle évolution. Deux finales européennes en vingt ans, Monaco en 2004 (C1) et Marseille en 2018 (C3) et quelques campagnes remarquables, Lyon et Bordeaux en 2010 (C1), Monaco en 2015 et 2017 (C1), Lyon en 2017 (C3). À chaque fois, un voire deux clubs parviennent à se qualifier dans les phases à éliminations directes et aller assez loin, mais très souvent, les autres ne font mieux qu’une petite qualification ou une élimination en  phases de poules. 

Une homogénéité problématique

Ces performances régulièrement moyennes s’inscrivent dans une logique propre à la Ligue 1. Quelques clubs parviennent à être presque toujours européens (Paris Saint Germain, Marseille, Lyon, Monaco), d’autres le sont régulièrement mais manquent parfois la qualification en Europe (Lille, Saint-Etienne, Bordeaux) et d’autres se qualifient partiellement. Il est ultra-rare de voir les sept mêmes équipes françaises se qualifier en Europe d’une année à l’autre, il est donc difficile pour elles de construire un plan pour perdurer et envisager une évolution positive et conséquente sur le plan européen. La faute à un niveau très homogène des équipes de notre championnat, en atteste actuellement le classement de la Ligue 1 où l’écart entre le deuxième et le dernier n’est que de onze points après treize journées. Un phénomène qui se répète régulièrement. Cette homogénéité s’explique par le niveau-même du championnat. N’étant pas à la hauteur des plus grands mais meilleur que tous les autres, nous voyons chaque week-end de bons joueurs évoluant dans des équipes plus ou moins moyennes et dès lors qu’un club étranger aux ambitions plus fortes et/ou au budget plus conséquent s’intéresse à un joueur, il part. Et son remplacement est forcément moins bon, car il est difficile de ramener son équivalent sans payer plus et en lui prouvant une plus-value sur le plan sportif. Il n’est quand même pas rare de voir de bons joueurs européens débarquer dans notre championnat parce-qu’il se fait de plus en plus intéressant malgré tout, grâce notamment aux évolutions financières des clubs et au nombre de bons joueurs toujours plus important.

Quelques joueurs de classe mondiale, quelques pépites, beaucoup de joueurs moyens, des entraîneurs qui ne transcendent pas leurs effectifs mais qui les gardent à niveau et des budgets limités mais en progression, la Ligue 1 est un championnat « tremplin » aux yeux de tous, un championnat qui permet à des individualités de s’exprimer et de progresser grâce et à cause de performances à répéter chaque week-end.