ITW le Sport et Moi – Jonathan Laugel

Confiné dans l’ouest de la France dans le cadre des circonstances exceptionnelles sanitaires prises et imposées par le Gouvernement depuis la mi-Mars, Jonathan Laugel, joueur International de Rugby à 7, nous a fait le plaisir de répondre à l’interview « Le Sport et Moi ».

  1. Pour commencer, pourrais-tu te présenter brièvement ?

Jonathan Laugel, 27 ans, joueur professionnel en équipe de France de rugby à 7 depuis 2012, avec laquelle j’ai eu le bonheur de participer aux Jeux Olympiques de Rio 2016.

Je suis en contrat jusqu’en Septembre 2021 ce qui m’amènera donc jusqu’aux jeux de Tokyo en 2021. Auparavant, j’étais au Racing Metro 92.

En parallèle, j’ai obtenu un master 2 en école de management à Grenoble Ecole de Management et je viens de passer 1 an et demi chez Capgemini, une entreprise de services du numérique.

  1. Pourquoi avoir choisi ce sport et pas un autre ?

Quand j’étais jeune, mes parents m’ont mis au basket et au karaté. Puis, j’ai fait un peu de Judo, c’est un sport de contact et de combat qui m’a beaucoup plus. Mais avec le temps, je suis quelque peu devenu « claustrophobe » de rester dans un Dojo. Un jour, mon père m’a donc proposé de venir avec lui à la plaine de jeux de Bagatelle (près du bois de Boulogne à Paris) pour un entrainement de rugby avec son entreprise.

Je suis passé du petit Dojo aux grands terrains, c’est ce dont j’avais besoin. C’est justement cette idée d’espace qui m’a poussé à continuer dans la voie du rugby.

Par la suite, j’ai dû faire un autre choix : poursuivre ma carrière de rugbyman à 15 ou m’orienter vers le rugby à 7, que j’ai découvert en sport étude au lycée Lakanal à Sceaux (92). Les notions d’espaces, de courses et d’évitement du rugby à 7 et le fait que ce soit un Sport Olympique m’ont convaincu que ce sport était fait pour moi.

Le soutien infaillible de l’entraineur de l’époque (Frédéric Pomarel) concernant mon double projet étude/sport a également joué un rôle prédominant dans mon choix. Son discours m’a beaucoup plu, la notion de double projet était une donnée essentielle.

  1. Justement, si tu avais dû choisir un autre sport, ce serait lequel ?

Le Judo m’a beaucoup plu car j’ai toujours vu l’adversaire comme « partenaire ». Il faut réussir à se servir de son déséquilibre pour enclencher sa prise. Mais je ne crois pas que j’étais fait à 100% pour ce sport en raison de la notion d’espace restreint que j’ai évoqué plus haut.

En revanche, le Hockey sur Glace est un sport qui m’a toujours intrigué. J’aime voir les joueurs et joueuses évoluer sur la glace. Je suis impressionné par tout ce qu’ils/elles doivent réaliser :  gérer la crosse, le palet, le jeu, tout en patinant. Je trouve ça très « gracieux », même si l’intensité des contacts le sont un peu moins 🙂 … J’adore les sports très complémentaires qui poussent à se nourrir d’autres sports. Par exemple au rugby à 7, on peut être à la fois coaché par des sprinteurs pour la vitesse, par un entraîneur d’haltérophilie pour l’explosivité, s’inspirer du basket pour le travail sur les ballons aériens… Se nourrir d’autres sports stimule ma curiosité. Et cela me montre que faire moins de rugby pour être meilleur dans le rugby, c’est possible.

  1. Quel est ton premier souvenir de sport ?

Tout petit, avant même le basket, j’avais testé le rugby à l’OGEM (Olympique Groslay Enghien Montmorency, club de rugby à 15). Au début de l’entrainement, je devais fais un tour de terrain avec le groupe. Je le fais à fond alors que tous les autres sont tranquilles. Quelques minutes plus tard, je retourne dans les bras de mon père en pleurant. Je crois que la grandeur du terrain m’a effrayé… Finalement, j’y suis revenu quelques années après, dans ce même club. Et depuis, je garde un super souvenir de tous les moments que j’ai passé là-bas avant d’être transféré au Racing 92. J’ai d’autres souvenirs marquants du rugby, comme les après-midis entières passées devant le Tournoi des 6 nations avec mon père. J’adore également me remémorer le gros placage de Sébastien Chabal sur Chris Masoe en 2007 face à la Nouvelle Zélande, impressionnant !

  1. Quels sont tes meilleurs et pires souvenirs liés à ta carrière sportive ?

Le meilleur c’est le tout premier match des JO de Rio en 2016 contre l’Australie. C’était également le match d’ouverture du tournoi. Un moment historique pour le Rugby à 7 et pour les 12 joueurs de l’équipe qui ont représenté leur pays aux JO. Pour moi, c’était l’aboutissement d’une longue préparation débutée 4 ans auparavant. L’achèvement d’un parcours où j’ai dû travailler très fort. Pendant cette compétition, ce sont d’ailleurs les deux dernières minutes avant de rentrer sur le terrain que je garde ancrées en moi. Le bruit des crampons dans le couloir d’accès au terrain, les adversaires en ligne à côté de nous dans le couloir, le régisseur qui te dis : « Entrée dans 3, 2, 1… ». Et là, je rentre sur le terrain des Jeux Olympiques, je représente mon pays. Et en plus, nous avons gagné ce match d’ouverture. C’est un très grand moment !

Le pire est lié au meilleur : On fait un super parcours en poule, jusqu’en quart et on tombe sur les surprenants Japonais.

Une bonne équipe mais pas au-dessus de nous sur la saison régulière. Pour autant, on perd à la dernière seconde. Je suis triste que nous n’ayons pu exploiter les possibilités d’obtenir une médaille (via la finale ou le match pour la 3ème place) car je suis persuadé qu’en jouant à 100% de nos capacités, nous aurions pu renverser des montagnes.

  1. Si tu devais être un/e autre sportif/ve sportif tricolore, qui choisirais-tu et pourquoi ?

Sébastien Chabal c’est un joueur qui m’a marqué (comme Jonah Lomu). C’est un vrai combattant. Il n’était pas le plus technique des joueurs, mais dans son registre, il réussissait à exprimer tout son potentiel et sa force. L’idée même d’un gars qui était efficace là où on lui demandait de l’être. C’est un grand personnage qui était avant tout un vrai soldat. Et cela m’inspirait.

  1. Justement, plus jeune, qui était ton idole, ton exemple ?

Ces joueurs-là, Sébastien Chabal et Jonah Lomu qui étaient exceptionnels sur le terrain. Leur envie d’avancer était si forte, ce sont des icônes avec lesquelles j’aurai aimé jouer.

  1. De quel/le sportif/ve tricolore es-tu le plus proche ? Une anecdote sur lui ?

Stephen Parez, mon compagnon de chambre avec qui j’ai partagé de nombreux tournois. On a commencé notre parcours en équipe de France de rugby à 7 ensemble. Avec le temps, nous avons créé une réelle connexion. On a grandi ensemble sur l’aspect humain et sportif. Même si parfois, je reconnais qu’il est un peu tête en l’air et que je dois le rincer quand il me fait le coup de « j’ai oublié mon portefeuille » 🙂 … Ça reste un excellent pote.

  1. Par équité, peux-tu nous livrer une anecdote personnelle, méconnue du grand public ?

Quand je suis arrivé au rugby, je ne sais pas si c’est la panique, l’envie de bien faire ou l’enthousiasme (…) j’étais toujours le gars qui écrase un pied sans le faire exprès. Ça m’arrivait d’écorcher mes coéquipiers et de leur faire des ongles bleu.

J’étais un peu maladroit… heureusement pour le bien être de mes partenaires, je suis de plus en plus à l’aise avec mon amplitude corporelle.

  1. Pour finir, que pouvons-nous te souhaiter pour l’avenir ?

Tout simplement une médaille aux JO de Tokyo en 2021.

Nous étions sur une bonne lancée et une super saison 2020 avec l’équipe. On avait hâte de passer par les phases de qualifications qui étaient prévues en Juin. La situation actuelle a mis un coup d’arrêt à notre saison. Pour autant, j’ai confiance dans l’équipe et je suis persuadé que nous allons réitérer ces performances quand la saison redémarrera, jusqu’à une médaille à Tokyo en 2021.

Question bonus : Dans quelle équipe de Rugby aurais-tu rêvé de jouer ?

Ce serait avec les Fidji. Cette équipe est hors norme. Sur le terrain ce sont plus que des joueurs, ce sont des guerriers. Ils ne lâchent jamais rien et j’aimerais comprendre d’où ils tirent cette force de conviction. 

Malgré cela… pour rien au monde je ne la troquerais contre mon équipe de France.