Cyclisme (Tour de France 1989) – 8 secondes…

Cette année, la 106e édition du Tour de France a mis en exergue deux coureurs français, Julian Alaphilippe et Thibault Pinot, longtemps bien placés pour remporter la victoire finale, 34 ans après le dernier lauréat tricolore, Bernard Hinault.
Mais l’histoire retiendra qu’en 1989, un autre Français échoua au pied des Champs Elysées pour une poignée de secondes…

Si aujourd’hui l’étape finale de la Grande Boucle relève plus de la parade que d’une véritable passe d’armes faisant quasi systématiquement la part belle aux sprinteurs, il faut se rappeler que, par le passé, l’épilogue du Tour a pu offrir au public un scénario haletant et hitchkockien.
Ce n’est pas le Belge Herman Van Springel qui dira le contraire lui qui, en 1968, perdait ses illusions d’inscrire son nom au palmarès de la plus belle course au monde pour seulement 38 secondes.
Le Batave Jan Janssen lui subtilisant lors du contre-la-montre final entre Melun et Paris la tunique or des épaules.

Mais revenons à l’été 1989 où Laurent Fignon, double vainqueur du Tour en 1983 et 1984, livre un duel épique face à Greg LeMond, américain sacré 3 ans plus tôt. Les deux coureurs s’emparent à tour de rôle du Maillot Jaune et le coureur français se présente au matin de l’ultime étape nanti de 50 secondes d’avance au classement général.


Les suiveurs de la caravane estiment alors que ce pécule doit s’avérer suffisant surtout dans l’exercice de l’effort solitaire où Fignon n’est pas maladroit et qui plus est sur une distance relativement courte, 25 kilomètres.
Le calcul est rapide : négocier la perte de deux secondes par kilomètres et le leader de la Système U accrocherait alors un 3e succès à la plus prestigieuse des courses le faisant un peu plus entrer au Panthéon des légendes du Tour.

Laurent Fignon

Flamboyant et plein de panache durant 3 semaines, « l’intello » tel qu’on le surnomme au sein du peloton, s’élance sur la pente du départ avec les faveurs des pronostics donc mais également diminué par une blessure à l’aine suite à une irritation entre son cuissard et sa selle.


Rapidement, sur son vélo révolutionnaire et casque profilé, la fusée américaine, en véritable spécialiste, affole les compteurs et réduit l’écart ostensiblement. L’Américain, ne souhaitant pas être tenu au courant des écarts intermédiaires, réalise un contre-la-montre de haute volée le plaçant en orbite en attendant son meilleur ennemi.
Fignon, lui, se bagarre mais voit son avance fondre au rythme des pavés de la plus belle avenue du Monde.


Les derniers hectomètres confirment l’impensable, il va perdre Le Tour pour une poignée de secondes.
Dans une dernière ligne droite interminable, le coureur au catogan coupe la ligne avec 58 secondes de retard sur LeMond qui remporte l’étape (Fignon 3e temps) et donc l’édition 1989 pour seulement 8 secondes.


Une dramaturgie dépeignant un contraste saisissant entre Fignon, affalé sur les barrières devant faire face à une horde de journalistes aux questions absurdes, et LeMond bondissant, venant de braquer in fine tout un pays d’un sacre tricolore.
Mais le public français de l’époque était loin de se douter que 30 plus tard, personne n’avait fait mieux que le regretté Laurent Fignon, disparu en 2010.


LeMond pour sa part pouvait enchaîner l’année suivante avec une 3e victoire pour parachever la singularité de la croisée des destins de ces deux coureurs d’exception.