Chloé Trespeuch

Crédit : EDF / Nelly Moenne Loccoz

ITW Le Sport et Moi – Chloé Trespeuch

Double médaillée olympique, 3e au classement général de la coupe du monde 2022 et très récente championne de france, engagée dans la promotion du sport féminin, la préservation de l’environnement et la lutte contre la discrimination, Chloé Trespeuch qui est également présidente de l’association Ecoglobe, a pris le temps de répondre à notre interview Le Sport et Moi.

1.  Pour commencer, pourrais-tu te présenter brièvement ? 

Je m’appelle Chloé Trespeuch, j’ai grandi entre Val Thorens et Saint-Jean-de-Monts. La diversité de ces deux villes m’a permis de découvrir des environnements de sport et de nature pour lesquels je me suis très rapidement passionnée du fait d’un contexte familiale éduqué à cette sensibilisation. J’ai à cœur de prendre la parole sur les sujets liés à l’environnement avec mon association Ecoglobe. Le but est d’intervenir dans les écoles pour sensibiliser les enfants aux gestes pour le respect de l’environnement afin d’en faire des citoyens responsables.

Côté sportif, je suis en équipe de France depuis 2012 avec à mon palmarès 27 podiums de coupe du monde dont 3 victoires ainsi que 2 médailles olympiques. Aujourd’hui, je suis tournée vers un nouvel objectif, les JO 2026 qui se dérouleront à Milan et Cortina d’Ampezzo. Afin de préparer ma reconversion, j’ai intégré Science Po il y a 1 an ½  avec une volonté de concilier le sport et les études afin d’obtenir un certificat préparatoire équivalent à une licence.

C’est un privilège de pouvoir vivre de ma passion et je mets toutes les chances de mon côté pour avoir une seconde partie de vie toute aussi heureuse. Je considère comme un luxe de pouvoir choisir mon métier.

Je suis également engagée avec l’association “Les balles blanches”. Il s’agit d’un événement pour une belle cause fortement perturbée par la covid ayant pour objectif de récolter des fonds afin d’améliorer les conditions de vie des enfants hospitalisés.

2.  Pourquoi avoir choisi ce sport et pas un autre ?

En premier lieu, je pense que mon grand frère qui a 7 ans de plus que moi et qui pratiquait déjà le snowboard a été un modèle. C’est un sport que nous avons partagé en famille car mon père le pratiquait également. J’ai très vite intégré le club avec une passion pour la compétition, les challenges et les défis. J’aime l’adrénaline que procure ce sport avec les sauts, la vitesse, la confrontation directe que l’on rencontre en boardercross et la stratégie dans le choix des lignes.

3.  Justement, si tu avais dû choisir un autre sport, ce serait lequel ?

J’ai fait pas mal d’équitation pour la proximité avec la nature tout en étant sensible à la protection et au bien être animal. Il y a un sport que je n’ai pas pratiqué mais qui a aussi cet esprit de confrontation, de dualité et de stratégie, c’est l’escrime. J’apprécie tous les sports et notamment le golf où il est possible de partager des parties avec tous types de personnes. Le trail aussi, où la course dans la nature me donne une sensation de liberté qui fait complètement partie de mon bien être !

4. Quel est ton premier souvenir de sport ?

En tant que spectatrice ce sont les JO de 2006 à Turin où pour la première fois en France, le snowboard cross passe à la télévision avec Paul-Henri de Le Rue qui apporte à la France la première médaille olympique dans cette discipline. Moi qui était toute petite, j’ai vu que le sport que je pratiquais était télévisé et que seuls les grands sportifs avaient la possibilité de faire les jeux. Cet événement m’a montré la voie et a été source de motivation en étant la preuve que c’était possible. Quand on se lance dans un projet Olympique, c’est rare et précieux de pouvoir y arriver et je m’entraîne tous les jours pour cet objectif. Je me rends compte que 8 ans après ma première médaille, je suis toujours dans le coup, ça démontre une longévité dans la performance et dans l’innovation. J’ai progressé physiquement, sportivement en faisant évoluer ma personnalité, ça a été un développement personnel et professionnel.

En tant que sportive, ce sont les championnats de France poussine vers l’âge de 9 ans. J’avais fait deuxième tout l’hiver et sur ces championnats, j’ai enfin réussi à obtenir la victoire. Je finissais toujours à la deuxième place et je commençais à me demander si j’étais capable de gagner, ce fut pour moi une grande fierté à cet âge.

5. Quels sont tes meilleurs et pires souvenirs liés à ta carrière sportive ?

Mon meilleur souvenir c’est ma médaille d’argent à Pékin en 2022 car elle était très attendue et avec une forte pression suite à l’échec de 2018. Ça a donné à cette médaille encore plus de saveur car j’ai travaillé beaucoup plus dur pour l’obtenir et la partager avec mon équipe fut un moment très important. J’ai besoin de mes coachs, techniciens et collègues de l’équipe de France. Cette équipe fait vraiment partie de ma réussite et elle est essentielle pour travailler toute une année entière et aller chercher des performances constantes.

Mon pire c’est 2018 aux JO de Pyeongchang parce que j’étais prête et bien préparée, tous les signaux étaient au vert. Les planètes étaient alignées, j’avais une super équipe et le matériel était top mais je tombe en finale juste avant la ligne d’arrivée. J’avais l’impression d’avoir raté la chance de ma vie et je suis repartie avec une énorme frustration mais ça m’a beaucoup appris. Il m’a fallu tout déconstruire pour repartir du bon pied. Aujourd’hui je le dis comme ça mais le jour J fut vraiment très très dur. J’avais déjà gagné une médaille mais on en veut toujours plus, quand on a goûté à ce plaisir, on souhaite qu’il se reproduise le plus souvent possible. Cet échec a été le déclencheur dans mon changement de méthode, il m’a fallu faire le point pour voir comment aborder la suite. Je me suis lancée de nouveaux défis pour sortir de ma zone de confort car à l’entraînement il pouvait m’arriver de manquer de motivation si c’était trop routinier. Heureusement il y a d’autres objectifs comme le globe que je n’ai jamais eu, qui me fait rêver et me motive car 4 ans d’attente pour les jeux c’est long.

6. Si tu devais être un/e autre sportif/ve sportif tricolore, qui choisirais-tu et pourquoi ?

Ce serait Sarah Ourahmoune, boxeuse française. Elle a mis en valeur son sport peu développé et méconnu dans la pratique pour les femmes. Elle a également fait Sciences Po et sa réussite sportive mais aussi sa reconversion professionnelle sont inspirantes. Elle a su préparer sa carrière pour la suite et s’est engagée en prenant la parole sur des sujets de société comme la lutte contre les violences faites aux femmes et la mixité.

7. Justement, plus jeune, qui était ton idole, ton exemple ?

Karine Ruby qui est la première grande snowboardeuse en France, une immense carrière, première Championne Olympique Française de Snowboard à Nagano en 1998. Elle était polyvalente en pratiquant aussi bien le freestyle, le géant et le snowboard cross. Aujourd’hui, ce n’est plus possible de faire de la compétition sur les trois disciplines avec la manière dont est structurée la fédération. Mais être polyvalente comme elle, ça m’a rendu meilleure techniquement et c’est elle qui m’a inspiré, elle est malheureusement disparue en 2009.

La polyvalence est importante pour moi afin de prendre du plaisir dans ce que je fais et rendre les choses plus ludiques, comme je le disais précédemment, je n’aime pas la routine.

8. De quel/le sportif/ve tricolore es-tu le plus proche ? Une anecdote sur elle/lui?

De Laura Tarantola qui est médaillée olympique en aviron. On a un partenaire en commun avec qui nous faisons des interventions en entreprises. Plutôt qu’une anecdote, je dirais que nous avons le même préparateur mental, nous abordons les conférences de manière similaire et nous avons plaisir à travailler ensemble.

9. Par équité, peux-tu nous livrer une anecdote personnelle ?

C’était en 2012, étant tête en l’air, je suis arrivée en coupe d’Europe sans mes boots. J’ai loué des boots de tourisme sur place, ce fut une journée d’horreur mais je deviens quand même championne d’Europe. Ça ne m’est plus jamais arrivé !

10. Pour finir, que pouvons-nous te souhaiter pour l’avenir ?

Bien entendu c’est d’être en Or dans 4 ans à Cortina mais aussi de continuer de prendre autant de plaisir, d’être épanouie dans ma carrière et d’aimer ce que je fais. Tant qu’il y aura de nouveaux défis, je serais heureuse !

Quel est le programme pour les mois à venir ?

La suite c’est d’avancer les cours à Science Po, de pratiquer un peu de sport plaisir puis de reprendre les entraînements à fin mai.