Toujours plus populaire en France, le MMA (Mixed Martial Arts) est le sport en vogue du moment. Si la discipline s’est souvent cachée du grand public, tout a changé en 2020 avec la légalisation sous l’égide de la Fédération française de boxe. Grâce à une très forte promotion faite par l’UFC, de plus en plus d’évènements attirent le grand public, à l’instar du premier UFC Paris organisé à l’Accor Arena. Pour en apprendre davantage sur l’essor de la discipline et ses perspectives d’avenir, nous avons eu la chance d’interroger deux figures du MMA français, dans une interview croisée. Benjamin Sarfati, président du MMA Factory, Management Factory et Ares Fighting Championship et son associé Fernand Lopez coach principal de Cyril Gane, nouvelle star du MMA en France !
Longtemps interdit jusqu’en 2020, le MMA connaît un succès fulgurant en France à tel point que l’UFC revendique 4 millions de fans dans l’hexagone. Comment expliquez-vous cet engouement pour la pratique ?
Benjamin Sarfati : Je pense que l’UFC (ndlr : Ultimate Fighting Championship) a ouvert la voie effectivement. Le MMA (ndlr : Mixed Martial Art) est enseigné depuis plusieurs années en France, puisque nous-mêmes – dont Fernand qui en est un des pionniers – enseignons le MMA depuis des années maintenant. Donc le MMA n’est pas un sport qui est nouveau, mais c’est juste qu’il n’était pas légalisé en France. De plus, il bénéficiait d’une vision très anglo-saxonne. Alors c’est vrai que l’UFC a énormément contribué à faire éclore et exploser ce sport, et notamment en France. Je dirais que c’est grâce au travail de personnes comme Fernand et également à l’UFC, qui a beaucoup médiatisé la discipline, en la transformant un peu en un show. Et si l’on ajoute à cela la flambée des réseaux sociaux, ça fait que tout démarre très fort.
Fernand Lopez : Je pense qu’il a tout dit oui, sa réponse était très complète. Il y a eu effectivement un travail de fond, avec des pionniers beaucoup plus anciens que moi également. Puis de nouvelles personnes sont venues se greffer à cela, tout comme l’UFC, cette société aux 3 lettres qui a fait que l’on peut avoir aujourd’hui 15 000 personnes qui chantent l’hymne national sur un évènement de MMA.
Selon vous, quels sont les clés pour réussir à pérenniser cet intérêt grandissant du peuple Français pour la discipline ?
F. L : Je n’ai pas vraiment l’impression qu’il faille avoir des clés, puisque nous les avons déjà. Il faut simplement maintenir la dynamique que nous entretenons depuis des années : développer la pratique, ouvrir des salles, maintenir la pointe de la pyramide, qui est le haut niveau, et à ce niveau cela correspond à ce que nous faisons avec ARES. C’est tout ce qu’il y a à faire, je ne pense pas qu’il y ait de recette magique.
B. S : C’est vrai que la mèche a été allumée. Désormais, c’est comme un flambeau : il faut le maintenir allumé. Et aujourd’hui, toutes les organisations françaises et tous les clubs français sont désormais là pour continuer à alimenter ce flambeau. C’est sûr que si le MMA, c’est une fois par an quand l’UFC est là, la flamme risque de s’éteindre. Mais là, tous les clubs et toutes les grosses organisations – à l’instar d’ARES – sont justement là pour maintenir cette flamme allumée, et la rendre de plus en plus grande en France.
Justement, quel est votre rôle dans le développement de la pratique en France ? Quelle est votre vision de l’avenir de cette discipline ?
F. L : Je vois cela avec un rôle assez modeste. À notre petite dimension, on ne mise pas que sur la compétition d’élite, mais aussi sur tout un travail de fond basé sur les salles de sport. Benjamin est par exemple président du MMA Factory, la plus grosse structure de MMA en France en termes de complexe sportif et d’apprentissage des sports de combat (kickboxing, lutte, préparation physique…). Il préside tout ce gros complexe sportif qui possède plusieurs salles. Le développement passe aussi par toutes ces personnes. Par exemple, au sein de la maison mère dans le 12e arrondissement, on compte 700 adhérents, qui n’ont absolument rien à voir avec la compétition. Ce sont simplement des personnes qui viennent pour de la remise en forme, de la perte de poids, du self-défense… C’est une autre manière de développer la pratique à une plus petite dimension. Ensuite, dans l’écosystème, il y a eu la création de Management Factory. Cela nous permet de placer les athlètes à travers le monde, et d’avoir des fers de lance qui représentent l’image de la France et de notre structure. On les représente et on négocie des contrats – de combat et de sponsoring – pour eux. Sinon, l’autre manière est de former les gens. Nous sommes persuadés depuis le début que la clé de voûte de la pratique du MMA passe par la formation, et c’est là qu’intervient la création de FMC (Fight Management College). Cela nous permet de former – à tous les niveaux – des coachs, des préparateurs physiques, des agents de sport, avec un très gros accent posé sur le MMA. Nous sommes aujourd’hui l’une des deux seules structures en France à détenir le diplôme donnant le droit d’enseigner le MMA contre rémunération. Cela nous permet de couvrir davantage le territoire, et de posséder une grosse offre de formation, pour développer le MMA en France.
B. S : Dans le haut niveau, je rajouterai que l’on a la chance grâce au MMA Factory et au travail de coaching et d’enseignement de réussir à sortir des petites pépites, qui sortent du lot. Comme des Ciryl Gane, des Nassourdine Imamov, ou encore les frères Lapilus. Je ne vais pas tous les citer, mais tous ces combattants vont nous aider à tirer le MMA vers le haut. Ce sont les stars de demain, et il suffit de voir aujourd’hui ce qu’est Ciryl Gane. C’est aujourd’hui une vraie personnalité publique, car il a du coeur, qu’il est généreux, et qu’il est « bon gamin ». Tout cela en plus d’être un très bon fighter, et finalement, toutes ces petites choses font que le MMA va encore plus se développer. Grâce à ces grands noms en qui les jeunes vont s’identifier, tout comme nous avons pu le faire quand nous étions gamins, en idolâtrant par exemple des joueurs de foot, de tennis, de boxe…
Les premiers évènements de votre organisation ARES ont rencontré un réel succès populaire. Pourquoi avoir fondé cette organisation et comment envisagez vous son futur ?
B.S : Il ne faut pas oublier que ce monsieur qui est là aussi, ce fou que j’adore, est la personne qui a organisé le premier événement MMA sur le sol français en 2015. Il a trouvé la faille pour organiser le premier show du genre au cirque d’hiver. Et suite à cela, c’est quelque chose qui était toujours en lui, avec cette envie de reprendre l’organisation et l’évènementiel. C’est quelque chose dont il a toujours eu envie. Ensuite, il m’a transmis cette flamme et cette volonté. Après, à titre personnel, je crois que j’ai eu la chance de pouvoir voyager à travers le monde, en l’accompagnant à l’UFC et dans toutes les organisations mondiales. Du coup, on s’est demandé si nous ne pouvions pas faire la même chose en France, en essayant de faire au moins aussi bien – en toute modestie -. Et c’est pour cela que, quand l’occasion s’est présentée, nous avons décidé de créer ARES, avec les standards du haut niveau. Tout cela dans le but d’être considéré directement comme une organisation de très haut niveau.
F. L : Il a tout dit, et il a même parlé pour moi. Franchement là, je n’ai rien à ajouter ! (rires).
Alors que Ciryl s’est imposé comme le représentant du MMA en France, quels seront les prochaines têtes d’affiche du MMA Français ?
B. S : Là pour le coup, je laisse mon ami répondre, car c’est lui le renifleur de talents !
F. L : Là présentement, je peux déceler quelques talents que je vois tout de suite dans mon oeil. Je peux dire par exemple le nom de Manon Fiorot, car je pense que c’est la représentante par excellence du sport de combat féminin, et c’est une bonne chose. Ils font un très bon travail, avec son coach Aldric Cassata. Par la suite, je pense que l’on sait qu’on a un certain nombre de jeunes combattants très talentueux. Je pense notamment à Benoît Saint-Denis, qui est un représentant – même s’il n’est plus en fonction – très fort des militaires. C’est super qu’il représente à ce point les institutions françaises. Cela nous permet d’être plus visibles auprès de ces métiers – le RAID, le GIGN -, qui regardent parfois ce que l’on fait. Ils apprécient également notre travail, ce qui nous donne de la force. Ensuite, on a d’autres talents, comme Fares Ziam, qui a fait un excellent combat récemment à Paris, et William Gomis. Puis vient celui que je considère comme le deuxième fer de lance français, Nassourdine Imavov, à qui on souhaite une très belle année 2023 en avance, puisqu’il combattra bientôt en main event à Las Vegas. C’est le futur très proche, mais je n’ai pas encore envie de me prononcer sur le futur à long terme, puisque de nouvelles pépites peuvent encore émerger. Mais sur ARES, nous avons, je pense, 95% des talents du futur. Soyez à l’affut des réseaux d’ARES, ou regardez les combats, il pourrait y avoir des surprises. Même si d’autres organisations ont aussi leur place, la majorité des talents est ici.
D’ailleurs, comment va Cyril après sa blessure lors de l’UFC Paris ?
F. L : Je laisse la parole au responsable du pôle médical, qui est ici.
B. S : Je n’ai pas plus d’informations que cela, mais il est en convalescence. L’opération s’est bien passée. Désormais, c’est une phase de consolidation et de cicatrisation, et il ne reste plus qu’à travailler et à attendre.
Pour conclure, la France peut-elle s’affirmer comme une nation phare du MMA à l’international dans les années à venir ?
B. S : Je pense que l’on en a eu la preuve lors du dernier UFC à Paris. 200 000 personnes ont tenté via la file d’attente d’acquérir des places et 15 000 ont chanté la marseillaise à Bercy. Je pense que la France est peut-être un futur vivier à la fois de fans et de combattants !