Liv Sansoz - Team Salomon

Credit photo : Ben Tibbetts / Salomon

ITW le Sport et Moi – Liv Sansoz

Double championne du Monde, vainqueur de 3 Coupe du monde, plus de 50 podiums internationaux, les 82 sommets de plus de 4 000 m de l’arc alpin à son actif et membre du Team Salomon, Liv Sansoz nous a fait l’honneur de répondre à l’interview le Sport et Moi.

  1. Pour commencer, pourrais-tu te présenter brièvement ?

Liv Sansoz, je suis née en Savoie, à Bourg Saint –Maurice, j’ai grandi et toujours vécu à la montage. Mon amour de la montagne a toujours été très présent. Petite, dès que j’en avais la possibilité, je me plongeais dans les livres, ça me fascinait. Je passais tous mes étés en alpage au pied des glaciers avec mon grand-père. Même si je me suis rapprochée de la montagne par le sport, au départ elle m’attirait pour son coté contemplatif plus que par la notion de l’effort.

J’ai commencé à faire de l’escalade à 14 ans et j’ai tout de suite accroché. Quelques années plus tard j’intégrais l’équipe de France et je vivais principalement au rythme des entraînements, des coupes du monde, des déplacements et de ma scolarité. Ma carrière de compétitrice s’est brutalement arrêtée en 2001 quand la personne qui m’assurerait a fait une erreur et m’a laissé tombé au sol. Cela a remis en cause beaucoup de choses. Mais cela m’a aussi permis de revenir à ma passion première, les montagnes et de découvrir d’autres activités.

J’ai connu de nouveau une période fast ou je faisais beaucoup de sports alternatifs, base jump, parapente, etc. Je voyageais beaucoup, de la Patagonie au Pakistan… J’ai aussi beaucoup oeuvré à la réussite du projet « El Cap au bout des bras », le projet d’une amie handicapée qui voulait retourner grimper (découvrez le superbe récit de Liv ici => https://livsansoz.net/2013/10/24/el-cap-a-bout-de-bras/)

Et puis j’en suis revenue à des choses plus locales. Lorsque l’on fait de la compétition, on voyage beaucoup, on va loin, on traverse le monde. Finalement, j’ai eu envie de faire quelque chose de plus local afin de mieux connaitre les alpes, d’où le projet des 82 4000m des Alpes.

Depuis longtemps je suis consciente des enjeux écologiques et je me suis investie ces dernières années sur l’environnement en étant un peu plus activiste. (Liv fait partie de plusieurs associations dont Mountain Wilderness, Protect Our Winters et Une bouteille à la mer avec une première belle action en début d’année – les détails du projet à voir ici =>  https://www.neufdixieme.com/une-bouteille-a-la-mer

Comme pour beaucoup de monde, le coronavirus a remis en cause certains projets. Pour moi le confinement a été une période à la fois étrange et intéressante. On a décidé de se recentrer sur des projets locaux, dans le massif du Mont Blanc principalement. On ne va pas réinventer l’alpinisme, mais il y a des voies historiques ouvertes par de grands noms de l’alpinisme tels que Walter Bonatti, René Desmaison, que l’on peut revisiter avec des enchaînements en utilisant le parapente par exemple. 

  1. Pourquoi avoir choisi ce sport et pas un autre ?

C’est une bonne question… Je ne sais pas si enfant on choisit vraiment pourquoi la petite fille de 10 ans que j’étais a eu envie d’aller marcher 4 heures avec des skis de randos équipés de peaux de phoque. Mes parents étaient amoureux de la montagne, j’ai baigné dans ce milieu de la montagne contemplative. J’ai commencé le ski à l’âge de 2 ans, je voyais mon Papa faire beaucoup de ski de randonnée. Au moment d’entrer en 6ème vers 10/11 ans, j’ai eu la possibilité de l’accompagner, lui et son groupe. Nous avons dû adapter le matériel car à cette époque il n’en n’existait pas pour les enfants de mon âge. Puis j’ai gravi le Mont Blanc pour la première fois, j’avais 14 ans.

J’étais tellement passionnée par la montagne qu’il m’arrivait de dormir sur mon balcon comme Walter Bonatti, lorsqu’il préparait ses courses hivernales.

Et j’ai découvert l’escalade. J’ai appris qu’il y avait un petit club à côté de chez moi, j’ai demandé à mes parents de m’y inscrire et ça a commencé comme cela. Je grimpais beaucoup, nous avons construit un mur d’escalade à la maison, j’ai intégré l’Équipe de France au bout de 2 ans.

  1. Justement, si tu avais dû choisir un autre sport, ce serait lequel ?

J’adore l’athlétisme que ce soit du 100 mètres au marathon. J’avais un oncle (Paul Arpin) qui courait le 5 000 M, le 10 000 M et faisait du Cross-Country. Il a été finaliste du 10 000 aux Jeux de Seoul en 1988 et terminé 3e aux championnats du monde de Cross en 1987, j’ai aussi baigné dans ce milieu. Je trouve les épreuves d’athlétisme très nobles, on revient au sport antique. J’étais à Athènes pour les JO en 2004, c’était génial.

(Nous faisons le lien avec le Trail et Kilian Jornet qui pratique d’une certaine manière de « l’athlétisme de montagne »)

Kilian je le connais très bien, il a un pied montagnard incroyable et il n’y en a qu’un. Pour ma part, j’ai toujours pratiqué des activités « verticales », j’apprécie l’athlétisme mais de là à en faire c’est différent. De manière générale, dans le team Salomon j’ai la chance de côtoyer plein de Femmes et d’Hommes exceptionnels.

  1. Quel est ton premier souvenir de sport ?

Mon premier souvenir, c’est au ski. Pour moi c’était la liberté, les parents nous faisaient confiance avec les cousins et c’est le 1er sport que j’ai  pratiqué. Dès qu’un/une prof était absent(e), nous partions faire du ski.

Un autre souvenir, c’est d’aller encourager mon oncle avec les grosses cloches typiques de la tradition Savoyarde avec toute la famille (qui est grande) et plein de supporters de notre village. Le voir gagner les Championnats de France, faire un podium à Neufchâtel, ce sont de grandes émotions sportives. Pouvoir aller à Rome en 1987 pour l’encourager aux Championnats du monde et voir Ben Johnson, ce sont de superbes souvenirs.

  1. Quels sont tes meilleurs et pires souvenirs liés à ta carrière sportive ?

Le meilleur, c’est en 1997 pour ma première victoire aux Championnats du monde au Zénith de Paris. Je resterai marquée à vie, j’en entends encore le public. J’étais jeune, ma famille était présente, Il y avait une grosse pression notamment des médias car c’était en France. Les Championnats du monde ont lieu tous les 2 ans et j’avais fini 3ème en 1995 à Genève, tout le monde m’attendait. J’ai énormément appris lors de cette compétition où j’ai eu un déclic. Je me souviens encore de mon état d’esprit quand je rentre dans le train et les pensées qui me passent par la tête mais j’ai réussi à ne penser qu’à la performance. Je n’ai jamais eu énormément confiance en moi mais lorsque le déclic arrive, on progresse de manière phénoménale.

Le pire, c’est l’accident dont je suis victime en 2001 alors que je suis une des meilleures grimpeuses du moment. Je me suis vue mourir lorsque la personne qui m’assurait a fait une erreur, elle a paniqué avec la corde et l’a lâchée. Les médias ont tourné les choses comme si j’étais responsable mais ce n’était pas le cas. Cet accident m’a beaucoup marqué, pendant longtemps je me suis sentie coupable et j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre.

  1. Si tu devais être un/e autre sportif/ve sportif tricolore, qui choisirais-tu et pourquoi ?

Ce serait Martin Fourcade, c’est un très bel athlète, une belle personne et il a une superbe carrière.

Perrine Laffont aussi, ce qu’elle fait est extraordinaire, c’est une magnifique compétitrice et elle est toute jeune.

  1. Justement, plus jeune, qui était ton idole, ton exemple?

Je fais partie de la génération Patrick Edlinger, un grimpeur très connu, emblématique et avec une certaine philosophie.

J’ai eu la chance de le côtoyer et de grimper avec lui et quand tu es jeune c’est un booster énorme avec un impact indéniable sur ta motivation.

Mais tout au long de mon parcours j’ai connu d’excellents grimpeurs qui m’ont tous apporté quelque chose. Je pense à François Legrand, multiple champion du monde dans les années 90, qui m’a donné pas mal de conseils. Les années 90, c’est une époque où les grimpeurs Français étaient très forts, ils avaient une longueur d’avance sur les autres pays. Il devait y avoir 3 Français dans les 5 meilleurs mondiaux. Et puis bien sur l’américaine Robyn Erbesfield qui était une des meilleures grimpeuses et qui  m’a prise sous son aile.  

  1. De quel/le sportif/ve tricolore es-tu le plus proche ? Une anecdote sur lui ?

Marion Haerty qui est multiple championne du monde de free ride. J’ai essayé de l’accompagner à ma façon pour ses compétitions et aussi pour ses activités hors compétition comme elle voulait se mettre à la montagne. Je lui ai dit de ne pas aller trop vite pour ne pas griller les étapes, j’ai avec elle une relation de grande sœur protectrice. Nous avons plein d’anecdotes ensemble mais nous les garderons sur les pointes enneigées.

  1. Par équité, peux-tu nous livrer une anecdote personnelle, méconnue du grand public ?

Il y a une chose dont je n’avais pas trop fait mention à l’époque.

Avec un ami nous partions pour l’ascension de l’Aiguille Verte par le couloir Couturier afin d’en skier le couloir Whymper que l’on peut considérer comme de la pente raide.

La journée allait être un peu longue, avec des petits passages techniques et il ne fallait pas perdre de temps. Nous sommes arrivés à la Rimaye, une grosse crevasse qu’il faut franchir avant de vraiment pouvoir s’engager dans la face. C’est la que l’on enlève les skis, que l’on s’encorde, que l’on prend ses piolets etc… Je me suis penchée pour enlever un premier ski dans la pente – c’est souvent inconfortable – puis mon second ski et là je le vois glisser tout doucement sans que je ne puisse le rattraper dans la pente pour aller se perdre dans une crevasse. On a du faire un ancrage, j’ai dû descendre dans la crevasse, trouver mon ski puis remonter ce qui n’était pas simple. Nous avions perdu beaucoup de temps avec cela, ça avait été un vrai stress et une leçon pour le reste de ma vie de ne plus jamais laisser filer un ski…

  1. Pour finir, que pouvons-nous te souhaiter pour l’avenir ?

Me souhaiter pareil mais en mieux.

Question bonus : Est-ce qu’il y a une face que tu rêves d’escalader ? 

Il y a quelque chose que j’aimerais vraiment faire… Je préfère mener le projet et on en parle ensuite.

Pour Sportricolore, le rendez-vous est pris…